Outre l’or physique, les actions de sociétés minières aurifères sont un autre moyen de se…
La Russie et l’Or : La Grand Amour ?
La tendance dans les pays dit « émergents » est d’accumuler de l’or. La Chine, l’Inde, la Thaïlande, l’Iran, la Turquie… Et la Russie, bien sûr. Se préparent-ils pour une future perte de confiance dans le dollar ?
La première donnée à prendre en compte est la quantité d’or détenue par la banque centrale russe. D’après le World Gold Council, ses coffres contiennent officiellement 2 300 tonnes d’or à la fin de l’année 2021.
En préparation depuis 14 ans
Comme vous pouvez le voir sur le graphique, la Russie a commencé à accumuler cet or vers 2008, puis a accéléré la cadence à partir de 2014, après l’annexion de la Crimée et la première vague de sanctions imposées par l’Occident.
En parallèle, la Russie a réduit son exposition au dollar américain. Celle-ci est passée sous les 50% au quatrième trimestre 2020.
La Russie possède toutefois encore une assez grande quantité de dollars, 16% de ses réserves, à cause du pétrole qu’elle exporte en dollars… pour le moment.
Au 30 juin 2021, elle détenait 21,7% de ses réserves en or (environ 137 Mds$ sur un total de 630 Mds$).
Source : Statista / Banque centrale de Russie
En pause depuis mars 2020, la Russie a par ailleurs annoncé fin février la reprise des achats d’or. Sans doute pour contrer les sanctions occidentales, qui lui empêchent d’accéder à l’équivalent de quelque 300 Mds$ de ses réserves totales.
L’Occident fait pression sur la Chine pour faire de même, mais cette dernière va plutôt permettre à la Russie d’accroître sa part de réserves en yuan. Ainsi, la Russie se détacherait de l’euro comme elle l’a fait pour le dollar, grâce à l’or et au yuan.
Le 8 mars, quatre sénateurs américains ont présenté un projet de loi visant à empêcher la Russie d’utiliser ses quelque 130 Mds$ de réserves d’or.
Bon courage ! Avec ses 2 300 tonnes, la Russie posséderait actuellement la 5e réserve d’or mondiale, juste devant la Chine et ses 1948 tonnes. Les Etats-Unis dominent toujours le classement avec 8 133 tonnes, devant l’Allemagne, l’Italie et la France.
Mais attention ! Ces données officielles doivent être prises avec précautions.
En effet, l’or représente un actif hautement stratégique et son importance augmente à mesure que nous nous enfonçons dans cette période de turbulences qui annonce une redistribution générale des cartes entre les différentes puissances mondiales.
Voilà pourquoi les Etats préfèrent rester discrets au sujet de la quantité d’or qu’ils possèdent réellement. Et nous pouvons être quasi certains que les chiffres de la Russie et de la Chine sont sous-estimés.
Le rouble en chute libre
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le rouble a chuté d’environ 40% face au dollar américain et 50% face à l’euro, avant de se reprendre en partie.
En réponse à cette chute, la Banque centrale russe a relevé son taux directeur de 9,5% à 20%.
Notez que, face à un problème similaire, l’Occident ne pourrait pas faire pareil (comme l’a fait Paul Volcker en 1981). Même 10%, c’est impossible. La quantité de dette est trop importante.
La banque centrale russe a également interdit momentanément aux investisseurs étrangers de revendre leurs titres russes.
En outre, les entreprises doivent vendre 80% de leurs revenus libellés en devises étrangères contre des roubles.
Les Russes se ruent sur l’or
La banque centrale n’est pas la seule à acheter de l’or, les citoyens aussi.
D’après le média russe Sputnik, les Russes ont acheté 4 tonnes de lingots et de pièces d’or au cours des neuf derniers mois de 2021, soit 8% de plus que l’année précédente. Un article de Kitco nous indique qu’en Chine et en Inde, les achats d’or ont bondi respectivement de 54% et 24%.
Cette différence s’explique sans doute en partie par le fait que les Russes devaient payer 20% de TVA quand ils achetaient de l’or. Mais Vladimir Poutine a signé le mercredi 9 mars une loi qui exonère les particuliers de TVA sur l’achat d’or.
Aussi, les Russes avaient l’habitude d’utiliser l’euro ou le dollar pour protéger leurs économies, mais Moscou a imposé des restrictions sur l’achat de certaines devises étrangères.
Résultat : la population se rue (logiquement) sur l’or. Sberbank, la plus grande banque de Russie, a ainsi déclaré la semaine dernière que la demande d’or de ses clients avait quadruplé.
La banque centrale russe a annoncé mardi qu’elle allait suspendre ses achats d’or auprès des banques pour pouvoir répondre à la demande croissante des ménages.
La Russie et la Chine vont-elles finir par créer une nouvelle monnaie de réserve adossée à l’or ? Là aussi, l’avenir nous le dira. Mais, en possédant de l’or, vous pouvez faire comme ces pays, et devenir en quelque sorte votre propre banque centrale !
La Russie pourrait moins souffrir que l’Europe
La guerre financière est bel et bien déclarée et la Russie semble mieux armée que l’Occident, et que l’UE en particulier.
En effet, la Russie a une dette publique de 300 Mds$ (soit 18,4% du PIB) contre 11 100 Mds€ (soit 98% du PIB) pour l’UE et 30 000 Mds$ (soit 125% du PIB) pour les Etats-Unis.
Elle dispose par ailleurs d’énormes réserves de matières premières, contrairement à l’UE, ainsi que des réserves de change suffisantes pour vivre pendant 2 ans sans exporter, malgré les sanctions.
La Russie est beaucoup moins dépendante de l’extérieur, donc beaucoup plus autonome et résiliente. Après le dollar, la Russie va réduire sa part de réserves en euros en utilisant l’or et le yuan.
Des projets de rapprochement avec des compagnies chinoises ou indiennes ont déjà été mis en avant, ce qui pourrait permettre aux matières premières russes d’être exportées sans que le dollar ou l’euro soient utilisés.
Si la tendance se confirme, l’euro cessera d’être une monnaie de réserve, avec les conséquences que cela implique.
Nous voyons en ce moment le pétrole corriger d’environ 25% par rapport à son sommet du 7 mars, et l’or de 8%, alors que l’euro ne remonte que de 2%… c’est inquiétant.
Les Etats-Unis vont-ils sacrifier l’euro et l’Europe pour sauver (temporairement) le dollar et retarder la chute de leur empire ?
L’avenir nous le dira.
A bon entendeur…
[Cet article a été rédigé pour La Chronique Agora.]